Vincent Desautels Journal Voir, 23 au 29 mars 1995
A 52 ans, Denise, divorcée et mère de trois enfants, décide de quitter la vie civile et d'entrer chez les carmélites, ordre religieux des plus stricts dont les membres vivent cloîtrées. Délaissés par un père vivant à New York, les trois enfants, âgés dans la jeune vingtaine, acceptent avec étonnement et difficulté le choix catégorique de leur mère. Après cinq ans de noviciat, elle s'apprête enfin à prononcer ses vux perpétuels. Profitant de cet événement marquant et définitif, le plus jeune fils entreprend une démarche questionnant la vocation tardive de sa mère et ses répercussions sur la cellule familiale réduite. Tel est le sujet de Mère, un documentaire présenté en avant-première mercredi le 29 mars. Avec un sujet aussi surprenant, ce documentaire de Denis Boivin, cinéaste de Québec, frappe l'imagination. À une époque où l'on dénonce couramment la crise de spiritualité ambiante, ce choix extrémiste suscite l'interrogation. Mère a l'immense qualité de confier ce questionnement à l'un des fils de celle qu'on appelle désormais sur Denise. Témoin privilégié de cette conversion peu banale, il bénéficie de la confiance de sa mère, de celle de ses frères et de leur entourage et peut recueillir sans impudeur leurs commentaires. Par contre, si le documentaire laisse aux principaux intéressés le soin de tirer leurs propres conclusions, sa neutralité entraîne aussi le manque d'informations factuelles sur la situation familiale initiale. D'autre part, l'absence de certains proches, comme celle du père ou d'autres personnes reliées à la mère, prive son cheminement religieux d'un éclairage complémentaire. Mais, en s'attardant à la relation maternelle, le film de Denis Boivin témoigne avec sensibilité d'une vocation singulière. |