Suzette Paradis (collaboration spéciale)
Le Droit, Ottawa-Hull, samedi 14 novembre 1992

Du sordide a la compassion

Le documentaire Le Pardon ne laissera personne indifférent. Primé au Festival international de Tours (1992) et lauréat du Grand Prix de la presse Henri-Langlois pour le meilleur grand reportage, la carrière de ce film s'annonce fort intéressante même si Téléfilm Canada et la SOGIC n'y ont pas contribué.

C'est Télévision Quatre Saisons qui nous présente ce film, demain, à 19 h. Denis Boivin, réalisateur et professeur d'enseignement religieux au secondaire nous fait revivre un drame d'une rare cruauté et une suite d’événements inexplicables.

En juillet 1979, Maurice Marcil, 15 ans et Chantal Dupont, 14 ans, reviennent d'un concert du chanteur Gérard Lenormand à Terre des Hommes. Ils sont accostés par Normand Guérin et Gilles Pimparé, deux hommes de 25 ans, qui après les avoir violés et étranglés, les jettent en bas du pont Jacques-Cartier.

Huit jours après leur disparition, on retrouve les cadavres. Bien que le document taise les circonstances qui amènent les policiers à identifier si rapidement les coupables, André Gougeon, le policier-enquêteur dans cette affaire à l’époque, révèle qu'une escouade spéciale menant à l'arrestation de Guérin et Pimparé avait été dépêchée sur l'Île Ste-Hélène suite à des plaintes de citoyens qui s'étaient fait voler sous la menace de se faire jeter en bas du pont quelque temps auparavant.

Encore aujourd'hui, Claude Poirier, journaliste judiciaire, qualifie ce meurtre du crime le plus " écœurant qu'il n'ait jamais vu en 32 ans de carrière ". Cinéma-vérité, touchant et émouvant, Le Pardon amène le spectateur au pont Jacques-Cartier la nuit, tandis que le saxophone plaintif de Daniel Bernatchez fait revivre le drame. Il partagera aussi la rage et l'inconsolable tristesse de Monsieur Georges Marcil, le père de Maurice.

L’inexplicable dans toute cette affaire survient lorsque Jeannine et Louis Dupont, les parents de Chantal, accordent leur pardon aux meurtriers. Tantôt devant sa machine à coudre à rappeler d'heureux souvenirs en compagnie de sa fille Chantal, tant assise à la cuisine, feuilletant le Prions en Église, Madame Dupont, le visage illuminé par un sourire énigmatique, nous entretient sur le processus du pardon qu'elle a enclenché grâce à la Parole de Dieu et qui a poussé le couple à écrire au plus collaborateur et au plus repentant des deux meurtriers, Normand Guérin.

Le réalisateur nous présente alors à la mère de Normand Guérin, incrédule devant ce pardon. " C'est spécial. On a l'air de quoi, si on ne lui pardonne pas à notre tour. "

Puis à Normand Guérin lui-même, pour qui cette histoire de pardon est insensée au départ. Il raconte les motifs qui l'ont poussé à commettre le meurtre, histoire classique de garçon qui n'a pas de succès avec les filles.

" Chantal incarnait la pureté et l'amour. Je l'ai tuée parce que j'ai voulu la garder pour moi. Aujourd'hui, je vais souvent à sa rencontre. J'ai besoin d'elle. "

Dans le dédale des corridors du pénitencier Port-Cartier où Guérin et Pimparé, sous protection maximum, expient leur sentence de 25 ans, le supplice est d'apercevoir les Dupont main dans la main, longeant les murs qui les mèneront à leur première rencontre avec Normand Guérin. Cette histoire atteint son point culminant lorsque Guérin, à la vue des Dupont, fond en larmes et se lance dans leurs bras. Pendant que Monsieur Dupont dira : " C'est le plus beau moment de ma vie ", vous en serez quitte pour sortir vos mouchoirs à votre tour.

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