François Bray Courrier français de Touraine, le 31 janvier 1992 "Le Pardon" ou le miracle de l'Amour En 1979, un meurtre horrible soulève l'indignation générale dans tout le Québec : 2 adolescents sont victimes d'un crime crapuleux sur le pont Jacques Cartier à Montréal, puis jetés dans le fleuve Saint-Laurent. Ce qui aurait pu rester un " fait divers " à sensation, va connaître un dénouement tellement surprenant que Denis Boivin, jeune espoir du cinéma québécois, en fait le scénario d'un documentaire magnifique et profondément émouvant. Avec une foi à transporter les montagnes, il cherche des sponsors, recrute les meilleurs cameramen de Montréal, loue un avion pour se rendre au pénitencier de Port-Cartier et gagne la confiance des familles des victimes et de l'un des assassins. C'est une religieuse, sur de l'adolescente assassinée qui nous introduits, dix ans après, au cur du premier acte de cette tragédie. Ou entend le récit du viol et du crime : c'est la déclaration de Norman, l'un des deux assassins. Le chroniqueur judiciaire conclut : " Comment un homme et une femme ont-ils pu pardonner à celui qui a tué leur fille ? Il aurait pas fallu que ça arrive à la mienne ! " On se dit alors que seuls le mépris et la haine paraissent des réponses justifiées à un tel acte de violence. Dans la famille de l'une des victimes, le père nous raconte comme il a pressenti la mort de son fils durant les jours précédant sa découverte. Il évoque l'immense souffrance de la reconnaissance à la morgue " qu'il ne souhaite à aucun père ou mère de famille ". Et de conclure : " Mon autre fils devenu moine et ma fille ont pardonné. Moi je suis plutôt " areligieux ". J'ai choisi de vivre et d'oublier ... ". C'est alors la maman de Chantal, l'adolescente tuée, qui nous montre une photo de famille. Avec un beau sourire et une voix douce, elle nous raconte son rêve : elle a revu sa petite fille avec une jolie robe bleue au milieu des fleurs. À son tour, la sur aînée devenue religieuse témoigne : " C'était l'année internationale de l'enfance : on s'était rendu à Terre des Hommes... J'ai jamais revu ma sur depuis ce temps là. " Et d'ajouter : " J'ai toujours voulu être religieuse. Cette blessure ne serait pas une raison suffisante pour demeurer dans une communauté. " À propos des deux meurtriers âgés de 25 ans, elle déclare : " Ils ne connaissaient pas la valeur de la vie parce qu'ils ne connaissaient pas la valeur de leur propre vie ! " Elle a pardonné et, depuis ce temps là, elle est restée en paix. De nombreuses photos illustrent les jours heureux de la famille : " Je leur ai donné tout ce que j'ai pu comme amour " dit la mère, ajoutant : " Ça nous aide aujourd'hui encore à vivre. " Pendant qu'on recherchait leur fille disparue, les parents ont puisé dans la liturgie quotidienne, la nourriture spirituelle qui les aidait à survivre : " Cette semaine là, dit la mère, on aurait dit que les paroles avaient été faites pour nous autres. " Un peu plus tard, on entendra l'un des assassins raconter sa peur en entrant dans la salle d'audience quand il a vu, au premier rang, le père et la mère de Chantal " qui rayonnaient tellement d'amour ". Et d'ajouter : " Pour moi le pardon , c'était complètement insensé... à leur place, moi j'aurais haï... " Norman les rejoint à la chapelle et tous trois s'étreignent avec émotion. La force divine du pardon fait fondre en larme ce " bon larron" et ces parents exemplaires. Cet immense témoignage de foi et d'amour a de quoi bouleverser les spectateurs. Tous ceux qui ont vu le film se posent la question : " Serions-nous capables de dire : " Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à celui qui a tué notre enfant ?... " |