Paule des Rivières
Le Devoir, les samedi 15 et dimanche 16 avril 1995
Une mère entre au Carmel
Marie de l'Incarnation avait fait le coup en 1619 à son fils Claude, alors âgé de 10 ans : elle le quittait pour entrer au couvent, chez les Ursulines. Télévision Quatre Saisons présente demain soir, l8h, Mère, un documentaire sur une femme qui, dix après avoir divorcé, quitte ses trois enfants pour répondre à l'appel de Dieu : elle entre au Carmel de Dolbeau. Le plus jeune de ses fils a alors 18 ans, laîné 23 ans.
Paradoxalement, c'est ce dernier qui, même après cinq ans, n'accepte toujours pas d'avoir " perdu " sa mère. Pour lui, son geste s'apparente à celui des jeunes qui, du jour au lendemain, vont vivre dans une secte.
Le plus jeune, Richard, étudie en cinéma à l'université de Montréal et a l'idée de faire un petit film de cinq ou dix minutes sur sa mère. Son professeur lui suggère de communiquer avec Denis Boivin (qui a déjà réalisé Le Pardon) qui travaille sur un scénario de long métrage sur Marie de l'Incarnation et qui s'intéresse plus particulièrement à la problématique de l'appel.
De fil en aiguille, le projet de Richard, Jean Baptiste, prend de l'ampleur. Ce que l'on verra demain est un film d'une heure qui se termine sur la cérémonie des voeux de Denise, aujourd'hui âgée de 52 ans. On y apprend que l'intéressée caressait le rêve de devenir de Carmélite depuis l'âge de 15 ans mais qu'elle a mis ce projet de côté, s'est mariée et a eu trois enfants. " Je pensais qu'il fallait être vierge pour être carmélite ", dit-elle. Elle le pensait jusqu'au jour où elle reçut l'appel de Dieu.
S'il apporte un certain éclairage sur les raisons qui ont poussé cette femme à entrer chez les Carmélites, le film est d'abord un échange entre Richard, le fils, et sa mère qui obtient même de laisser entrer les caméras à l'intérieur du couvent. Les conversations sont touchantes. Un grand silence meuble le film et ce n'est pas celui des Carmélites, c'est celui du père des enfants. Pas un mot sinon qu'il est absent.