Bernard Heitz
La 25e heure. Télérama 15 janvier 1997
Le Pardon
Proposé par VaIentine et Jacques Perrin.
Documentaire de Denis Boivin (1991).
Soir dété 1979 à Montréal. La chaleur étouffante et la moiteur de latmosphère ne dissuadent pas des milliers de Canadiens de se rendre à un concert de Gérard Lenormand. Parmi eux, deux adolescents. Chantal Dupont et Maurice Marcil, qui partent avant la fin, mais ne reviendront jamais chez eux. Ils sont sauvagement assassinés sur le pont Jacques-Cartier avant que leurs corps soient jetés dans le Saint-Laurent. Ils avaient 14 et 15 ans. Crime aussi horrible quécurant, perpétré sans mobile apparent par deux jeunes gens de 25 ans qui seront arrêtés peu après. Simple fait divers, tragique et bouleversant ? À première vue, certainement, même s'il reste inexplicable. Peu à peu, pourtant, il engendre une véritable parabole évangélique, celle d'un pardon authentique, sans faux-semblant ni arrière-pensée. Au nom de Jésus et d'une religion chrétienne, non seulement pratiquée dans les églises mais vécue au jour le jour avec une foi sans faille, la sur et les parents de Chantal pardonnent aux deux meurtriers, parce que " ils ont besoin damour comme tous les hommes et ne connaissaient pas la valeur de la vie ". Mieux, ils prennent en affection lun des deux criminels, allant même jusquà le rencontrer dans sa prison, dix ans après le meurtre. Scène dune émotion intense, simple et pudique comme l'ensemble de ce document qui nous dit la force et la magnificence de la rédemption.
Il faudrait être Albert Camus pour décrire avec les mots justes cette lente et inexorable montée vers un pardon que l'on aurait cru impossible. Il faudrait être un saint pour partager avec les parents de Chantal cet amour pour l'homme et pour la liberté. N'étant ni l'un ni lautre, avouons simplement notre désarroi face à linsensé. Et clamons haut et fort notre révolte à légard du responsable des programmes de France 2, qui ose diffuser un document d'une aussi exceptionnelle qualité à une heure impensable.