Le processus de
l'écriture
Ce qui m'a le plus ensorcelé, en tant qu'auteur,
est l'actualisation de l'uvre antique : appliquée au schéma social des
communautés autochtones du Canada, le roi devient le Grand Chef et la mythologie grecque
se transpose en cosmologie wendate, où même les devins adressent un clin d'il au
retour du shamanisme actuel.
Argumentaire
Il s'agit ici de recréer, dans une atmosphère
contemporaine, la tragédie grecque. Anouilh a tenté le coup en 1944 en symbolisant la
pensée de la résistance sous l'occupation nazie. Par choix, il a omis le personnage du
devin. Mais les Hurons réinventent les chamans en se retrouvant Wendats. Alors,
l'atmosphère de prédilection du libre-choix du roi - du chef indien - peut s'actualiser
dans l'adaptation que je veux créer. N'est-ce pas fantastique ? Nous nageons en pleine
tragédie grecque. Le royaume est devenu le territoire wendat et elle a un chef; le
prêtre devin se métamorphose en chaman de spiritualité new-age, la fille adoptive de
Créon, le roi, est devenue métisse, de mère basque. Le concept est accrocheur et cela
même du point de vue international.
Pourquoi le Hip Hop : Je cite ici l'édition GF
Flammarion présentée par C. Guitard en 1999.
" Auteur de dix-sept tragi-comédies, de douze
comédiens, Jean ROUTROU (1609-1650) a composé six tragédies, parmi lesquelles une
ANTIGONE (1637), où il s'inspire assez fidèlement de Sophocle, en particulier dans les
deux derniers actes. La pièce a été créée à l'hôtel de Bourgonne le 16 juin 1639.
Une innovation intervient par rapport à l'adaptation de Garnier (1573) (du cercle de
Ronsard) : la suppression des churs qui paraissent désormais inadaptés au
théâtre classique. " (pp. 175-176).
L'an dernier, il y a eu une très belle adaptation
de Antigone par le théâtre de Québec qui a été portée à l'écran comme théâtre
filmé. Les churs restent toujours dérangeant et venus de l'extérieur. C'est
pourquoi, l'idée m'est venu d'adapter le tout pour le Hip Hop à l'image de " 8 mile
" d'Eminem lui aussi sur les écrans l'an dernier.
Mon intention est de rendre en poésie contemporaine
cette tragédie de Sophocle.
L'intérêt des
auteurs du XX ième siècle.
De tout temps, on a repris Sophocle et son Antigone
Jean Cocteau, en 1922, s'est penché sur une version théâtrale d'Antigone. Il lui a
relevé un caractère anarchiste, cela me plaît bien. Il est vrai que dix ans auparavant,
on venait de découvrir les textes apocryphes du tragédien grec. Cela relança
l'uvre de Sophocle pour la communauté intellectuelle parisienne et autre. Le jeune
Cocteau travailla la première grande adaptation de Sophocle au XX ième siècle avec un
décorateur nommé Picasso, un musicien nommé Honegger, une costumière nommée Chanel et
un acteur nomme Artaud; en 1922 ! Outre Anouilh en 1944, l'uvre a intéressé André
Gide, Bertold Brecht, Micha van Hoecke pour un ballet avec musique de Mikis Theodorakis
ainsi que Mendelssohn-Bartholdy (1841) Honeger y ont touché. Il y a eu des films grec,
italien, français.
Au cinéma, on retrouve deux interprétations dont
un classique en 1961 par George Tzavellas où Irène Papas fait l'interprétation
d'Antigone (disponible sur le web
) Selon mes sources, c'est en 1973 que la dernière
adaptation cinématographique aurait été portée à l'écran par le réalisateur Claude
Vermorel qui a créé Animata , film français, où la légende thébaine est transportée
en Afrique au Niger, hors de son cadre culturel habituel. Enfin, il y a environ 890 liens
Internet si vous lancez la recherche " antigone " sur le web.
Au fil du temps, Antigone devient chrétienne,
anti-fasciste, anarchiste. Dans le cas présent, on la surnomme " Antigun " car
elle est leader de sa nation pour le mouvement contre la libre possession des armes à
feu. Elle est devenue " green ". Il faut savoir aussi qu'antigun est le nom de
ce mouvement aux États-Unis (aussi mille sites sur le web). De la révolte à l'anarchie,
l'intérêt et la force de la tragédie dépassent le temps et lui assignent un caractère
téléologique. L'uvre de Sophocle est universelle. Il faut l'exploiter avec des
racines d'ici, qui sont aussi les nôtres ? L'adaptation et la traduction nouvelle de
cette uvre pourra faire connaître un aspect méconnu, très réelle, de la
Première Nation Wendate.
Que la ressemblance me soit si évidente entre la
tragédie du roi grec et celle du chef huron contemporain, qu'elle m'inspire et me
bouleverse même, devrait, ne serait-ce que par le millénaire qui les séparent, être un
argument valable au potentiel du scénario et de sa mise en scène.
Une réadaptation contemporaine du drame thébain ne
peut que déboucher sur un auditoire insoupçonné. Mais il faut avoir l'audace d'y
risquer son art.