La raison principale du peu de pages de ce scénario
rétorque aux deux questions. D'une part, le temps des chansons et de leur
interprétation, couvrant 21 interventions en cinq mouvements ne peut s'évaluer en nombre
de pages; d'autre part, cette première adaptation se colle au texte grec le plus près
possible de l'original et ce dernier est lui aussi très court.
Il y a un autre scénario dans l'histoire du cinéma
qui a subi l'incrédulité des producteurs à cause de son peu de pages, il s'agit d'Orange
Mécanique de Stanley Kubrick. Ce film, écrit en 40 pages, était lui aussi basé
sur la musique mais de Beethoven comme vous le savez. L'interprétation de Singing in
the rain a d'ailleurs fait l'objet de nombreuses analyses et anecdotes biographiques
tant chez l'acteur que chez le metteur en scène. Quelques vers mais une séquence longue
à la torture
Lors de ma rencontre à Québec avec monsieur
Pradier, je lui ai parlé de mon point de vue du scénario et sur son refus de l'an
dernier. Il m'a surtout conseillé d'améliorer la présentation de ma vision de
réalisateur. Lors de l'analyse de l'an dernier, mon approche n'avait pas été comprise.
C'est pourquoi, selon moi, le coup de cur sur l'idée d'adapter les churs de
Sophocle en HIP HOP et de transposer la hiérarchie pré-démocratique grecque à la
démocratie de type royal des Hurons-Wendats contemporains doit transcender le texte
Antigone de 443 av. J.C. Au sujet de l'adaptation du grec ancien, le fait de respecter
Sophocle et de le retrouver dans sa montée dramatique fait découvrir la force de cet
auteur, encore et surtout aujourd'hui. L'évolution de ces mots mêmes est efficacement
bien construite. L'uvre a été adaptée par de nombreuses générations avant
d'être écrite en une forme définitive grecque. Par exemple, le mot " mère "
ne peut être dit et énoncé qu'au moment choisi par Sophocle. L'introduire avant ou
après ne peut que nuire à son efficacité (j'ai essayé). Mon point de vue d'auteur a
été de lui être fidèle afin de construire le film. Il s'avère évident que le coup de
cur des analystes de voir danser et chanter cet " Art de Rue " sur cette
tragédie classique et de les rejoindre par ces mouvements contemporains de la guerre en
Irak et d'une histoire de chef indien qui figure comme un monarque de grande famille dans
notre propre petitesse sociale doit surpasser le travail qu'il nous reste pour la
phraséologie à la contemporaine et son adaptation en chanson Hip Hop. Oui, il me reste
la mise en bouche et les chansons à adapter mais, même pour un auteur épris de son
idée, y travailler sans certitude de tournage, y passer des heures, des jours et des
années comme j'ai pu le faire avec d'autres scénarios, peut devenir de la démence.
Ici, chers collègues analystes et pairs de
l'industrie, il faut juger avec équilibre par le programme de petit budget qui est
offert. Cette idée est forte, cette adaptation est forte. Cette année, j'ai écouté
plusieurs disques HipHop, j'ai rencontré des jeunes dans les rues d'ici et de France.
J'ai collectionné des titres, étudié les design. Il y a dans ce genre musical une joie
de vaincre, une bataille des mots. J'ai trouvé des collaborateurs qui articulent et
jonglent avec ces mots de maux. Ils sont décrits dans la présentation. Ce n'est pas rien
non plus. Réécrire un scénario n'est pas simplement déplacer la syntaxe. Le jour où
un jury fondera exclusivement ses choix sur l'analyse grammaticale, cet art ne sera que
politique. Comme les mâts d'un bateau peuvent se corder en même temps que ses cales se
charger de vivres, c'est au capitaine de juger quand on largue les amarres. Vous avez
entre les mains ce qu'il faut pour juger du potentiel du navire. À vous de me faire
confiance pour prendre le large.
Présentement, je ne fais qu'attendre sur le quai,
votre OK. La mer est très très belle. Il me faut vous presser à me convaincre
d'embarquer. J'ai déjà donné. Il va retonner. L'auteur le sait. Que trop il le sait. Il
sait que vous savez, il hait que vous sachiez aussi. Il ne peut se tuer à tout le temps
tout réécrire surtout lorsque l'écrit a déjà primé sur l'idée et que l'idée est
devenue plus forte que l'écrit. Que son Antigun se pende avec les tubes d'intraveineuse
qui devaient la nourrir mérite l'image d'une tragédie contemporaine. Rebelle, il
réécrira tout sur le bout du tonneau d'eau, vous le savez, mais lorsque le bateau
connaîtra sa réserve.
L'idée du style contemporain prime pour Antigun
et son genre littéraire se modernisera avec l'encouragement de pouvoir tourner. Ainsi le
cinéma réveille son imaginaire pour le lecteur maintenant averti.